LES
ACTIONS DE FRED FOREST
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"
THE DIGITAL street corner " novembre, Miami, 2005
A
Massively MultiParticipant Networked Happening
Une
œuvre réseau, participative, " THE DIGITAL street
corner " un espace virtuel illimité, permettant à
des internautes du monde entier de se rencontrer, de partager, d’échanger
et de communiquer.
Une visualisation sur grand écran, constitue une fenêtre-caméra
ouverte sur le monde virtuel de Fred Forest à l'aide du système
Solipsis * La réalité dans ce monde finalement n’existe
que grâce à vous !
AUTEUR
(concepteur, producteur, réalisateur, coordonnateur)
Fred Forest, auteur de l'œuvre. Artiste et théoricien
forest@unice.fr
www.fredforest.org
CONTRIBUTEURS
Joaquin Keller Gonzalez, information science research engineer,
creator of Solipsis, graciously made available by France Télécom
Stéphano, graphic designer
Gilbert Dutertre, project manager
Michael Leruth, translations and contacts
Rose-Marie Barrientos, agent logistics and communication
Catherine Ramus, graphic assistant
L’ŒUVRE
intitulée " THE DIGITAL street corner " n’est
pas faite seulement pour être regardée, mais aussi
pour être vue, choisie, depuis n’importe quel lieu de
la planète. C’est une fenêtre ouverte sur une
œuvre-réseau, co-crée par les spectateurs internautes
: L’artiste dans son happening évolue au sein de la
chorégraphie mouvante des internautes du monde entier. Il
accompagne et stimule la danse des avatars et “filme”,
en temps réel, la chorégraphie qui se donne à
voir sur écran géant sur le mur extérieur du
Bass Muséum de Miami dans une portion choisie de l’espace
partagé. Il s'agit du premier Cyber happening virtuel planétaire
et de son affichage dans l’espace physique, constitué
par le mur du Bass Museum de Miami.
CONCEPT
Fred
Forest en qualité d’artiste, pour la création,
l’élaboration, du concept artistique, et Joaquin Keller
Gonzalez, chercheur, pour le concept du logiciel et la réalisation
technique, ont présenté à “Art Basel
Miami Beach” en Floride, du 1 au 4 décembre 2005, une
œuvre inédite. Cette œuvre est la première
du genre proposée
dans le cadre d’une manifestation d’art contemporain
internationale. Il s’agit d’une “œuvre-événement”,
participative, dans laquelle les utilisateurs, amateurs d’art,
ou non, se promènent et se regroupent à
leur fantaisie et leur volonté dans un monde virtuel à
échelle planétaire. Ces “agglomérats”
d’identités, parcellisées, se constituent en
fonction de mouvements thématiques. Ils s’effectuent
en fonction des informations données par l’artiste,
aux commandes, sur son ordinateur portable, comme un DJ à
ses platines, “filmant” en temps réel la danse
des internautes. Des sortes de papillons numériques, “revêtus”
de costumes virtuels, comme autant d'avatars-images, préparés
et mis à la disposition des internautes sous forme d'une
bibliothèque pour participer au rituel électronique.
Des circulations d'images s’imposeront spontanément
d’elles-mêmes, au cours de longues dérives de
caractère erratique, dans un espace virtuel indéterminé.
Ces circulations pourront se faire, aussi, sur suggestions de l’artiste,
en temps réel ou différé, entraînant
des migrations, des mouvements, des échanges et des actions
interactives diverses, visualisées sur écran géant.
Un second media, éventuellement utilisé par Fred Forest
(Radio, TV, téléphone portable, superposant son canal
au logiciel Solipsis de France Télécom, sera en mesure
de constituer un vecteur de propositions hybridées, pour
amorcer le démarrage du travail, ou du jeu collaboratif,
initié par l’artiste. Après quelques tentatives
hésitantes, ou maladroites, la prise en main du système
sera maîtrisée naturellement par les internautes qui
sauront se l’approprier rapidement.
MISE EN PLACE ET FONCTIONNEMENT
•
La mise en œuvre technique et le bon déroulement des
différentes phases de l’opération s'effectuent
sous le contrôle de Joaquin Keller Gonzalez le chercheur de
France Télécom, concepteur du logiciel.
Les internautes peuvent télécharger gratuitement sur
Internet le logiciel Solipsis/windows-virtual pour entrer dans le
jeu des échanges et des circulations qu'il offre. L'URL http://www.fredforest.com
donne les instructions d'accès
- Un vidéo projecteur installé face au mur extérieur
du Bass Muséum, permet de suivre en temps réel sur
un écran géant toutes les interactions initiées
par les internautes (manipulation d’images, échanges
de fichiers, chat)
- Le 30 novembre 2005 de 9h00 pm à 11h pm, Fred Forest sous
forme d'une performance-réseau a piloté le système
à partir du clavier de son ordinateur comme le ferait un
DJ. Le résultat de cette performance enregistré sur
DVD constituera l’œuvre produite. Dans une salle du musée
et de la foire, dévolue à cette action, comme dans
d'autres lieux de publics, de Miami, de Londres, de Milan, de Berlin,
de Paris, des PC sont mis à disposition du public pour consultation,
pour action et rendez-vous du 5ème type dans The DIGITAL
corner street. Les images produites ont été diffusées
en continue sur le mur extérieur du Bass Muséum et
dans les salles de consultation, dispersées dans le monde
entier, tandis qu'une webcam renvoyait aux internautes la projection
sur le mur du Bass Museum
PHILOSOPHIE DU PROJET
Le
développement du numérique et du réseau Internet,
en bouleversant les rapports entre l’art et la technologie,
a permis aux artistes d’investir des champs d’expérimentations
inédits.
Par sa spécificité spatio-temporelle, Internet représente
un cas de figure sans précédent. Sur la toile, les
artistes peuvent être
leur propre médiateur, et leur public possible, s'est élargi
aux dimensions de la planète. Les œuvres conçues
pour exister en ligne occupent un territoire virtuel, mais néanmoins
tangiblement réel. Elles questionnent les usages du media
ainsi que les modalités traditionnelles de création,
de diffusion et de réception de l’art. Les dispositifs
interactifs des œuvres de Net Art contribuent redéfinir
les relations entre l’artiste, l’œuvre et le public,
mais surtout ils établissent à la réception
des œuvres, le cadre de nouvelles configurations relationnelles.
C'est ce que Mario Costa et Fred Forest ont théorisé,
dès 1983, sous le nom d'esthétique de la communication
. Il faut noter que dans le cadre de cette manifestation Art Basel
Miami Beach ; la présence et la nature de cette œuvre
constitueront une rupture radicale par rapport aux modèles
en cours, légitimés par le marché et les institutions.
Sa “différence” aux autres produits présentés,
sa dématérialisation, consacre la rupture entre les
modèles esthétiques du XXe et ceux du XXIe. Cette
évolution marque le questionnement de la nature de l’art,
lui-même, et de son adéquation à la société
d’information qui s'impose de jour en jour... Nous pouvons
considérer que cette œuvre- réseau de Fred Forest,
" THE VIRTUAL street corner " constitue un point d’articulation
entre deux types de sociétés, et qui désormais
en introduisant dans le marché le concept d’œuvre
immatérielle, modifie notre regard et notre perception de
l’art. Néanmoins, la spécificité du Cyber
Happening tient essentiellement à sa capacité de mettre
en place du RELATIONNEL, là ou hier il y avait des objets
concrets. Cette évolution sera donc en quelque sorte consacrée
à Miami, cette année, et son rôle, du point
de vue de l’art, sera historiquement déterminant, au
triple titre de l'esthétique, du social et du sociologique.
FONCTIONNEMENT
TECHNIQUE DE L'OEUVRE
Le
monde virtuel du logiciel Solipsis conçu par Joaquin Keller
Gonzalez de France Télécom, basé sur architecture
technique similaire à celle des systèmes peer-to-peer
d’échange de fichiers, permet une liberté totale.
Solipsis est constitué uniquement des logiciels téléchargés
et installés sur les ordinateurs des internautes participants.
Il n’a pas de serveurs, et il ne peut donc être ni stoppé,
ni contrôlé, ni censuré.
Cette absence de serveurs a une autre conséquence. Ce logiciel
mis au point par France Télécom R&D a une capacité
illimitée. Comme chaque participant apporte ses ressources
informatiques (son ordinateur et sa connexion Internet) au fonctionnement
du monde, la puissance de calcul installée croît automatiquement
avec les besoins. Par ailleurs, la topologie du monde est telle
que sa surface croît avec le nombre des participants. C’est
un tore à 2 dimensions, une sorte de chambre à air,
qui gonfle au fur et à mesure que de nouvelles entités
entrent dans l'espace virtuel.
Sa capacité maximale est de 1073 (un 1 suivi de 73 zéros)
entités, soit autant que d’atomes dans tout l’univers.
Cette architecture technique particulière amène naturellement
des réflexions de nature philosophiques :
Comme " THE DIGITAL street corner "est constitué
uniquement
d'entités, d'objets, et d'humains, de nature virtuelle, qui
forment sa trame, c’est en quelque sorte un monde animiste.
Autrement dit, Solipsis n’existe pas dans l’esprit d’un
dieu-serveur omniscient, mais uniquement dans les esprits-ordinateurs
de ses constituants. Très concrètement, cela veut
dire qu’il n’est pas possible de savoir qui se trouve
à un instant donné dans le système. La seule
manière d’appréhender le système et d’y
pénétrer, et alors, seule la portion virtuelle du
monde investi localisée est visible. En ce sens, le système
informatique mis en œuvre est similaire au monde réel,
où nous ne pouvons uniquement percevoir que ce qui nous entoure.
Dans " DIGITAL street corner "Dieu n’existe pas,
mais l'artiste est toujours, en mesure de lui conférer une
existence probable, par sa seule capacité à convoquer,
où il veut, et quand il veut, les forces de l'imaginaire.
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