LES
ACTIONS DE FRED FOREST
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INTERNET
INSTALLATION
LE
CENTRE DU MONDE
ESPACE
PIERRE CARDIN, PARIS
http://www.fredforest.worldnet.net/centre/
15-19
SEPTEMBRE 1999
TEXTE
DE PRESENTATION PIERRE RESTANY
TECHNO-MUSIQUE
CHRISTIAN VALEZY
CONCEPT :
Le
centre du monde existe-t-il encore, quelque part, à
l'heure de la société d'information et de communication
généralisée ?
Le
centre du monde s'il existe jamais encore, au moment où
les réseaux se croisent et s'entrecroisent dans le
Cyberespace d'une façon si serrée, est en passe
de perdre son statut et sa place. Il est condamné à
se dissoudre dans le bain électronique dans lequel
nous sommes désormais tous immergés. Le centre
du monde est maintenant à la fois partout et diffus,
c'est à dire, paradoxalement nulle part !!!
Le
centre du monde que chacun d'entre-nous porte en soi, comme
un axe d'équilibre nécessaire, cherche à
retrouver ses repères, ses appuis, ses marques, son
assise intérieure qui vacille. L'individu plongé
dans un magma d'informations fragmentées en subit les
assauts et les flux toujours plus denses, plus inextricables.
De la situation de point central " unique " et " irremplaçable ",
à la fois géographique, spatial, idéologique,
philosophique, qu'il représentait jadis, le centre
du monde n'est plus aujourd'hui qu'une surface dilatée
aux dimensions indéfinies d'une nébuleuse que
des experts savants et patentés nomment le " global ".
Un non-lieu paradoxal tandis que s'exacerbent, ici ou là,
comme d'ultimes résistances, des nationalismes anachroniques
et des régionalismes de folklore qui tentent un combat
perdu d'avance contre l'évolution irréversible
et la délocalisation généralisée.
Il faut bien le constater : le centre du monde, comme nous
le vérifions chaque jour, a entamé son processus
de lente désagrégation qui l'amène peu
à peu à se déplacer, à se disperser,
à s'effacer.
À
être ici ou là, au gré des circonstances
et des connexions. À se multiplier à l'infini
dans des circulations imprévisibles pour l'homme mais
toujours objet, par contre, de programmations implacables
en langage binaire " pour " et " dans "
la machine. Avant de courir le risque qu'il ne disparaisse
à jamais, ce centre du monde, nous avons pensé
qu'il serait légitime de lui consacrer une sorte de
dernier hommage, d'intervenir sur ce qu'il en reste, encore
d'identifiable, et tant que faire se peut, " ramasser "
ses éclats dispersés, les réunir à
nouveau, pour le donner à voir, une fois encore, au
moins, dans son intégralité, sa splendeur et
sa singularité, avant qu'il ne disparaisse peut-être
pour toujours, définitivement, englouti et digéré,
dans un processus historique dans lequel l'aventure de l 'homme
et ses séquelles anthropomorphiques n'auront été
qu'accident sublime et dérisoire. Si ces vingt dernières
années, l'homme a colonisé la lune, envoyé
ses robots et ses sondes dans l'espace intersidéral
pour tenter de laisser son empreinte sur les territoires les
plus lointains, il a compris qu'avec le Cyberespace la distance,
et par conséquent l'espace, étaient désormais
abolis par la communication électronique instantanée.
Devant nos yeux ébahis, le monde " tout entier "
peut être maintenant convoqué, d'un seul geste
de la main, sur la surface lisse et plane d'un écran
plasma. Un miroir à travers lequel l'imaginaire de
l'homme, connecté à l'univers, ne connaît
plus aucune limite, ni spatiale, ni temporelle.
Dans
cette situation historique, il peut paraître à
la fois naïf et présomptueux qu'un artiste prétende,
pour trois jours consécutifs, reconstituer le "
centre du monde " et l'offrir ainsi au creux de sa main,
joyau précieux, comme le cur névralgique
de la communication planétaire. Il sait bien qu'il
ne peut y parvenir tout seul
et c'est bien pour cela
qu'il invite, aujourd'hui, sur le réseau, tous les
internautes de bonne volonté à contribuer par
un travail coopératif à " retrouver ",
ne serait-ce que le temps d'une connexion, ce centre-là.
Ce centre qui est pour nous tous comme l'alpha et l'oméga,
où peut se butiner encore tout ce qui reste du sens.
Sans doute, alors, le centre du monde, comme nous l'avons
toujours connu, ce lieu de méditation et d'équilibre
que chacun porte en soi, restera-t-il encore présent
en nous, malgré la fluidité et la mouvance des
réseaux, la fureur des images, pour peu que nous sachions
le " refonder " ce centre, autant de fois qu'il
sera nécessaire, avec une lucidité et une vigilance
qui ne devront jamais se laisser distraire, ni abuser, par
l'unique fascination des machines.
DISPOSITIF :
Comme
un principe devenu maintenant un usage courant pour lartiste,
cette installation interactive met en uvre une installation
in situ dans lEspace Cardin, en même temps que
simultanément, un site Internet permet aux internautes
du monde entier (action à distance développée
par les théoriciens de lEsthétique de
la communication) de mettre le dispositif en action en le
commandant à distance. Trois webcams leur restituent
trois points de vue de la salle sous des angles différents,
leur permettant de voir défiler sur lécran
de leur ordinateur, le message quils viennent de lancer
sur Internet
Dans un cadre hi-tech, aménagement
dun décor ménageant en son centre un puits
sans fond (effet doptique à laide de miroirs)
auquel on accède par une passerelle luminescente. Dans
la pénombre générale de la salle en se
penchant au-dessus du puits, on peut apercevoir une image
de synthèse sphérique et dynamique, qui change
de couleur et de forme, en fonction des messages libellés
par les internautes. Ces derniers sinscrivent également
en lettres de feu sur des écrans géants circulaires
(à diodes électroniques) qui forment le pourtour
du décor, à lintérieur duquel les
visiteurs de lexposition se déplacent. Les visiteurs
disposent aussi de deux postes de consultation qui leur permettent
depuis la salle, elle-même, de proposer leur propre
message qui est expédié et transite par Internet.
Différents écrans plats à plasma, disposés
frontalement, complètent le décor général
en diffusant des globes lumineux colorés dont les mouvements
lents et croisés évoquent ceux dun système
solaire.
Comme
chacun sait : il ny a plus de " centre "
localisable aujourdhui dans les réseaux !
Forest joue sur cette nouvelle donnée qui modifie notre
relation au temps, à lespace et par conséquent
au monde ! Les écrans circulaires constituent
métaphoriquement pour lartiste une sorte de " lessiveuse "
géante dans laquelle les matériaux (fragments
de phrases et de textes) expédiés par les internautes
se recyclent sans fin, dans un centre du monde en un perpétuel
mouvement et déplacement.
MATÉRIEL
TECHNIQUE :
-
une Silicon Graphics
-
trois webcams Axis
-
douze ordinateurs Compaq
-
quatre écrans plasma Pioneer
-
12 modules à diodes électroniques Display Productions
Le
développement du programme dinteraction a été
assuré par Pascal Joube, ingénieur informatique.
BIBLIOGRAPHIE
:
-
Nice-Matin, N° 20, septembre 1999, " Fred Forest
transforme lEspace Cardin en centre
du monde électronique " par Nadine Lefévre.
-
LExpress, N°2515, du 16 au 22 septembre 1999, " Rendez-vous
sur le Net : Fred Forest
est-il un mégalo ? ".
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