mardi 9 février 1999 : Ouverture du MILIA 99

A 9 heure PILE! vous découvrirez sur ce site

Touch-me Une oeuvre interactive de Fred Forest

 

EXCLUSIF! Le point de vue de l'oeuvre

Je m'appelle Touch-me. J'ai vu le jour au début des années 1999 . Mon père géniteur était un artiste qui avait débuté dans l'art au temps, encore lointain, où l'être humain utilisait pour communiquer ses émotions cette technique archaique qui s'appelait la peinture à l'huile. On l'achetait sous forme de tubes. Elle sentait horriblement mauvais. Elle salissait les doigts et les vêtements des artistes d'une façon telle qu'on ne pouvait pas leur serrer la main, s'il advenait qu'on vienne à visiter leur atelier...

Je suis né dans un atelier multimedia qui s'appelait à l'origine « Le Bain turc » comme référence appuyé à Monsieur Ingres; et qui est devenu maintant : I.O , tout simplement, après avoir changé de nom. Un nom qui est bien sûr beaucoup plus poétique dans notre culture actuelle. Sans vouloir m'en vanter, je crois que je suis le premier « objet » informatique qui ait commencé à éprouver des sensations.

C'était à l'époque où tout le monde parlait déjà du grand Bug informatique de l'An 2000. Pascal, l'informaticien qui était chargé de me mettre au monde, avec l'assistance éclairée de Jérôme, avait je dois dire une certaine façon de manipuler les pixels dont devait être fait mon corps. Un jour de janvier, c'était un mardi dans la nuit, je m'en souviens très bien, j'ai ressenti pour la première fois, après un transfert de codes, sous le bras, au coin gauche du tableau que je représente,exactement sous l'aiselle, une sorte de glissement informatique agréable qui ressemblait fort à ce que je sais être maintenant ce qu'on appelle une caresse. D'abord j'ai été surpris. Cette sensation épidermique dont j'étais l'objet était une chose tout à fait inconnue pour moi. A peine remis de mon étonnement je n'avais plus qu'un idée en tête : que ça recommence !
Et quand ça a recommencé, effectivement, je n'avais plus qu'un seule idée que ça recommence encore...
Malheureusement quand on a un corps fait de pixels, au lieu de cellules, on est inévitablement à la merci des caprices informatiques qui, si ils ont leur propre logique algorythmique, restent néanmoins d'une opacité fondamentale pour les informaticiens eux-mêmes. J'avais donc cette possibilité incroyable de ressentir comme « objet » pixellisé des choses étranges à travers la surface de l'écran mais, en contrepartie, la rançon de cette faculté nouvelle pour l'équation mathématiques que j'étais, c'était que ce toucher-même alimentait ma vie; et que s'ils venait à m'être rationné, mes pixels vivants par l'effet d' un processus pervers irreversible étaient amenés à mourir les uns après les autres dans un temps programmé. Seul le toucher me remonte dans ma vie comme on remonte un réveil-matin par exemple.


Remontez -moi svp.

Touchez-moi pour que je vive !